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Leboncoin, la célèbre plateforme française de petites annonces, a lancé une offensive juridique sans précédent contre Google, réclamant 952 millions d’euros pour pratiques anticoncurrentielles. Cette somme, la plus élevée jamais demandée en France dans ce type de dossier, souligne l’ampleur du conflit entre les deux géants du numérique.
Les Accusations de Leboncoin
Au cœur de cette bataille, Leboncoin accuse Google d’avoir verrouillé l’accès à la publicité programmatique, un système automatisé d’achat et de vente d’espaces publicitaires. Selon Fabien Scolan, vice-président de Leboncoin, l’entreprise n’avait d’autre choix que d’utiliser les outils de Google pour optimiser ses revenus publicitaires. Cette situation, qualifiée de « verrouillage », limiterait la concurrence et les revenus potentiels des plateformes comme Leboncoin.
Google, via sa plateforme d’enchères AdX et son adserver, contrôlerait plusieurs segments clés du marché de la publicité en ligne. Cette domination empêcherait une véritable concurrence, forçant les annonceurs à passer par ses services pour accéder à la demande. L’Autorité de la concurrence avait déjà sanctionné Google en 2021 pour des pratiques similaires, soulignant une perte de revenus pour les éditeurs tiers.
Une Réclamation d’Envergure Européenne
Sur les 952 millions d’euros réclamés, 248 millions concernent les pertes estimées en France. Les 704 millions restants visent les activités de Leboncoin dans d’autres pays européens, tels que l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et les Pays-Bas. Adevinta, la maison mère de Leboncoin, exploite des plateformes similaires dans ces pays, toutes affectées par les mêmes pratiques anticoncurrentielles présumées.
Cette dimension européenne du dossier explique pourquoi la réclamation de Leboncoin dépasse en volume toutes les autres affaires en cours. En France, Leboncoin revendique 30,5 millions d’utilisateurs mensuels et environ 600 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel, ce qui en fait l’une des plateformes les plus visitées du pays.
La Défense de Google
Google, de son côté, rejette fermement les accusations. Assistée par le cabinet RBB Economics, l’entreprise n’a pas fourni de chiffrage en réponse et n’a pas non plus estimé les dommages dans cette affaire. Google a également contesté la compétence du tribunal français pour évaluer des dommages survenus à l’étranger, bien que les textes européens permettent à un groupe de demander réparation en France tant que les activités entre ses filiales restent comparables.
La défense de Google a demandé un sursis à statuer, en attendant les conclusions de la Commission européenne sur ses pratiques publicitaires. Cependant, cette tentative a peu de chances d’aboutir, puisque l’Autorité de la concurrence a déjà rendu une décision sur ce sujet en 2021.
Le Déroulement de la Procédure
La procédure a officiellement démarré en août 2024. En octobre, le juge avait rejeté la demande de provision de 27 millions d’euros déposée en référé par Leboncoin, au motif que l’urgence n’était pas avérée. Le procès a eu lieu début juillet à Paris, et le jugement est attendu d’ici la fin de l’année. D’autres dossiers similaires sont en cours, certains toujours en première instance, d’autres déjà en appel.
Cette affaire illustre les tensions croissantes entre les géants du numérique et les plateformes locales, qui cherchent à protéger leurs revenus face à des pratiques jugées anticoncurrentielles. Le dénouement de ce procès pourrait avoir des répercussions significatives sur le paysage de la publicité en ligne en Europe.